« La plus grande déportation d’immigrants illégaux de l’Histoire des Etats-Unis”, c’est ce que promettait Donald Trump en novembre 2024 à l’issue de sa campagne présidentielle victorieuse. Pour respecter cette promesse de campagne, la nouvelle administration a donné carte blanche au corps des forces de l’ordre chargés du respect des lois de l’immigration, l’ICE, en lui octroyant des pouvoirs et des moyens jamais atteints auparavant. L’ICE (Immigration and Customs Enforcement) est un corps des forces de l’ordre américaines responsable de l’application des lois de l’immigration sur le territoire, là où la CBP (Customs and Border Protection) est le corps de police qui se cantonne aux contrôles aux frontières.

Son principal objectif est d’arrêter et d’expulser les immigrés illégaux qui se sont introduits illégalement sur le sol étasunien, qu’ils y vivent depuis quelques mois ou bien depuis des dizaines d’années. C’est une agence discrète qui s’est fait connaître en 2025 auprès de la majorité des citoyens pour ses raids inédits en voitures banalisées, ses arrestations dans les rues, les usines et les champs, les écoles, voire les tribunaux, décriées pour leur violence et pour le faible ciblage des personnes arrêtées. Depuis le début du mandat Trump en janvier 2025, les moyens alloués à l’agence ont été multipliés : recrutements d’agents à coups de chèques, achats de matériel, campagnes de communication, tout est mis en œuvre dans un seul but :  atteindre des chiffres d’arrestations massifs fixés par l’administration Trump. Depuis le début de l’année, la plupart des arrestations effectuées par l’ICE sont en hausse dans tout le pays et ont plus que doublé dans 38 États avec une dynamique d’incarcérations plus importante au Texas, Floride et Californie, qui accueillent une part importante de la population immigrée des Etats-Unis. 

L’ICE, the Agency of the Free

La caractéristique prépondérante de l’ICE, qui marque, au premier coup d’œil, dans toutes les vidéos d’arrestations circulant sur les réseaux sociaux, est que ce corps n’a que peu de contraintes et d’obligations de transparence par rapport aux autres institutions de la police américaine. Cette grande marge de manœuvre légale a un héritage puisqu’elle a été définie en 1952 par le Congrès Américain en pleine Guerre Froide dans L’Immigration and Nationality Act. Ce dernier visait à donner aux forces de l’ordre les pleins pouvoirs pour déporter toute personne susceptible d’adhérer à l’idéologie communiste incarnée par l’URSS. Ce cadre très libre, comme police migratoire de l’intérieur, a ensuite été modernisé et renforcé par l’Homeland Security Act signé en 2002 par George W. Bush à la suite des attentats terroristes islamistes de 2001. L’ICE s’est vue confiée encore plus de moyens et d’autonomie pour repérer et cibler les potentiels agents dormants préparant une menace terroriste sur le sol étasunien.

Dans le détail de ces deux acts présidentiels, l’ICE dévoile un système de fonctionnement aux contours peu définis : là où la police traditionnelle a l’obligation d’agir à visage découvert, de porter un uniforme, une carte de police, et une caméra ventrale plus récemment, pour amener de la transparence dans les contrôles et éviter les abus d’autorité, l’ICE n’a aucune règle comparable à respecter. C’est ainsi que la plupart des raids d’agents de l’ICE sont effectuées dans des vans banalisés, et les agents cagoulés, sans motifs ou insignes distinctifs de leur appartenance à un service de l’Etat, n’ayant souvent que pour seul uniforme un jean et un t-shirt, un américain lambda en gros. Leur seule obligation est d’informer les personnes une fois menottées qu’elles ont été arrêtées par eux, l’ICE. Une fois transférées dans des centres de détention dédiés en attente de leur jugement par un juge de l’Immigration dans une Cour de l’Immigration, l’ICE n’a aucune obligation d’informer les proches des personnes arrêtées du lieu de sa détention. Sous la pression des proches des personnes incarcérées, une plateforme en ligne a tout de même été créée en août pour permettre de retrouver le membre de sa famille arrêté. Cette différence de traitement attribuée à des services disposant de missions similaires trouve ainsi sa justification dans les traumatismes historiques vécus par les Etats-Unis. Mais cette absence de transparence est-elle toujours justifiée aujourd’hui ? En tout cas, elle alimente un certain sentiment d’impunité ressortant dans de plus en plus d’actions de l’ICE. 

ICE dispose aussi d’une liberté presque totale dans le profil des cibles arrêtées. Les agents chargés du repérage ont accès à d’énormes sources d’informations : registres de la police locale (si validation par le gouverneur), Osint grâce aux réseaux sociaux, relevés d’impôts, historique de localisation du smartphone. En outre, une collaboration étroite entre l’ICE et Palantir depuis 2012, récemment dévoilée par The Guardian, donne accès à un nombre de données bien plus importantes, notamment sur des bases de données normalement privées. Le logiciel espion, utilisé normalement par les services secrets, a été spécialement adapté aux missions de l’ICE. L’ICE s’en est récemment servie pour récupérer les informations de 5 millions d’étudiants étrangers en échange aux Etats-Unis sur la plateforme “Student and Exchange Information System”. Ce partenariat a été approfondi récemment puisque le gouvernement Trump a octroyé en septembre 2025, un contrat de 30 millions $ à Palantir pour fabriquer un logiciel appelé “ImmigrationOS”. : Son objectif est de rassembler toutes les informations utiles à l’arrestation de la cible et de donner “une visibilité en temps réel” sur les gens en processus “d’auto déportation”. Ces derniers ayant l’obligation de quitter le territoire en autonomie (une OQTF), le logiciel permettrait de savoir à la minute près l’emplacement de l’immigrant et son départ effectif ou non. Cette collaboration étroite a ainsi créé de nombreux débats ces derniers jours sur le droit à la vie privée et sur un Etat dystopique à la Big Brother, qui pourrait ensuite généraliser cette surveillance à d’autres secteurs à partir du moment où il en a la technologie.

Une fois repérées, l’arrestation effective des cibles est ensuite facile à mettre en place puisque l’immigration illégale constitue une infraction civile (et non une infraction pénale). ICE n’a donc pas besoin d’un mandat d’arrêt émis par un juge pour mener des arrestations, elle a seulement besoin d’un mandat d’arrêt “administratif” qu’elle peut émettre à volonté. Il est cependant à noter que ce mandat n’a effet que dans l’espace public, les agents de l’ICE ont besoin d’un mandat émis par un juge pour investir un lieu privé. 

Bilan du nombre et du lieu de déportations par l’ICE : 

Jugeant le nombre d’arrestations trop faible, depuis le début de la mise en marche de la politique migratoire de Trump, Stephane Miller, Secrétaire d’Etat à la Sécurité Intérieure et superviseur de la politique migratoire, avait annoncé le 26 mai dernier un objectif de 3000 arrestations par jour par les agents de l’ICE, soit 1 million par an. Même si les résultats sont en-deçà des objectifs gouvernementaux (35 000 arrêtés au mois de juin 2025, contre 90 000 visés par mois), le discours et les directives transmises en interne ont donné un coup de fouet à l’ICE dans la dynamique des incarcérations. Les arrestations ont ainsi battu des records avec une augmentation de 268% d’incarcérations en juin 2025 par rapport à juin 2024, et avec 42% d’arrestations en plus par rapport à mai 2025. Et un pic à 2000 arrestations par jour le 4 juin, approchant les ⅔ de l’objectif journalier atteint au maximum. Depuis le début du mandat de Trump, plus de 158 000 déportations ont été effectuées de janvier à juillet, et plus de 480 000 de janvier à mi-octobre selon les dernières déclarations de Kristi Noem, la secrétaire à la sécurité intérieure. Loin des 1 millions visés par Trump, et loin du record de déportations effectuées par l’administration Obama en 2012, soit  410 000 en 1 an. 

Evolution du nombre d'arrestations sous le mandat de Trump

Evolution du nombre d’arrestations par l’ICE, Infographie The Guardian

Cette vague d’arrestations contre les immigrants sans-papiers touche tous les Etats américains, sans exception. Cependant, l’ICE concentre beaucoup de ses efforts sur le Sud-Ouest (Californie), le Sud (Texas) et le Sud-Est (Floride) des Etats-Unis, qui sont les principaux foyers d’émigration sud-américaine. Par rapport à la Californie, ces arrestations sont 1,5 à 2 fois plus importantes au Texas ou en Floride car ces États sont républicains. La police locale est ainsi amenée par les gouverneurs à être en étroite collaboration avec l’ICE pour rassembler les informations déterminant les étrangers sans papiers sur le territoire, en lien avec leur volonté politique.

Arrestations détaillées en fonction des Etats Américains

Etats recensant le nombre d’arrestations par l’ICE, Infographie The Guardian

Des lieux cibles

Si les arrestations d’immigrés illégaux touchent des Etats différents, les lieux d’arrestation sont communs à tous les Etats. L’ICE cible des lieux particulièrement fréquentés par les migrants illégaux qui recherchent du travail : les rues pour les vendeurs à la sauvette, les fermes agricoles, les manufactures, les quartiers peuplés par les communautés issues de l’immigration, les stations de lavage de voiture, et les parkings des magasins de bricolage Home Depot qui servent traditionnellement de base de recrutement informel pour des travaux de BTP à la journée.  SI les raids dans les fermes, usines et hôtels ont cessé quelques temps pour éviter une catastrophe économique par manque de personnel, Trump a réautorisé mi-juillet l’ICE à intervenir dans ces secteurs. De même, pour massifier les arrestations et face au trop faible nombre d’arrêtés, Trump a supprimé le décret qui interdisait l’ICE d’intervenir dans les “lieux de prière”, “écoles” et “magasins”, lieux jugés trop “sensibles” auparavant. 

Conséquence : une main d’œuvre en berne

Par conséquent, immigrés légaux et illégaux craignent de sortir de chez eux par peur d’être arrêtés et ne vont plus travailler. Or, selon les syndicats de travailleurs, 40% de la main-d’œuvre du secteur de la construction est constituée d’immigrés, avec ou sans papiers, selon Ablo Alvarado, codirecteur du National Day Laborer Organizing Network (réseau national d’organisation des travailleurs journaliers). Dans un autre secteur, près de 80 % des travailleurs agricoles aux États-Unis sont nés à l’étranger et près de la moitié d’entre eux sont en situation irrégulière, souligne Douglas Holtz-Eakin, républicain et ancien directeur du Bureau du budget du Congrès. Certains raids de l’ICE en Californie embarquent ainsi près de 300 ouvriers agricoles en même temps, comme dans des fermes de Californie, à Camarillo, ce qui peut laisser des exploitations sans travail de la terre, en jachère, du jour au lendemain. Les conséquences de ce manque de main d’œuvre immigrée se faisait déjà ressentir au tout début du mandat de Trump. Au premier trimestre de 2025, 88 exploitations agricoles avaient fait faillite, c’était deux fois plus qu’à la même période en 2024. En Californie et au Texas, certaines exploitations agricoles ne fonctionnaient plus qu’à 30 % de leur capacité cet été. Les chiffres de faillite tendent de toute façon à monter à cause des incendies et du réchauffement climatique. Il faudrait donc attendre quelques mois avant de pouvoir analyser avec certitude l’impact de ces arrestations sur le secteur. À Los Angeles, dans le secteur de l’hôtellerie, certains restaurants ferment plus tôt ou arrêtent de servir le déjeuner, selon plusieurs journaux locaux.

D’ores et déjà, les conséquences s’accumulent : Des retards dans les récoltes, des réductions d’horaires et de personnel dans les restaurants et les hôtels, un ralentissement de la production alimentaire et des arrêts de travail sur les chantiers de construction ont été signalés. A Ventura County, en Californie, 1e région  productrice de fruits et légumes (⅓ des légumes et ¾ des fruits des Etats-Unis), « 70 % des travailleurs dans nos champs sont partis » déclarait Mme Tate, une cheffe d’exploitation agricole locale, en août. Elle ajoute, « si 70 % de votre main-d’œuvre ne se présente pas, 70 % de votre récolte n’est pas cueillie et peut se dégrader en un jour. La perte de ces travailleurs entraînera des hausses de prix pour les consommateurs, les Américains ne veulent pas faire ce travail”.

Pour le gouvernement américain, ces départs dans le secteur agricole seront palliés, selon des déclarations d’officiels, par « l’automatisation » des fermes et le recrutement d’une force de travail « 100 % américaine », que le gouvernement espère mobiliser après le conditionnement de l’assurance santé fédérale Medicaid pour les personnes à faible revenu à l’obtention d’un travail, selon la nouvelle loi budgétaire qui entrera en vigueur en janvier 2027.

“On ne se rend compte de l’importance d’une chose que lorsqu’on la perd” dit l’adage. Les Américains semblent aussi le penser durant cet été, révélateur de l’importance qu’ont les travailleurs illégaux dans le système économique américain. Un récent sondage de Gallup souligne ainsi que 79% des américains pensent que l’immigration est “une bonne chose pour les Etats-Unis”, alors qu’ils étaient seulement 64% à le penser en juillet 2024. 

Le secteur du tourisme en doute

Cette politique anti-immigration menée par l’administration Trump a aussi l’inconvénient de rendre les Etats-Unis moins tendres vis-à -vis des touristes étrangers. Les interrogatoires et renvois à la frontière sont devenus plus fréquents et des drames peuvent aussi s’inviter dans le programme des vacances. Une chilienne en vacances à New-York a ainsi été arrêtée et emmenée par la police de New York et l’ICE, en juin, en l’absence de papiers américains, sa fille de 12 ans laissée seule sur le trottoir. Un nombre non-négligeable de touristes étrangers ont ainsi annulé leur voyage. Selon plusieurs agences de tourisme, les Etats-Unis pourraient subir des pertes de 13 milliards dans l’industrie du tourisme cet été et un trafic touristique venant de Canada et d’Europe en berne de 14% en 2025.

L’ICE, Failles du Système

Le slogan créé par des militants de gauche “Abolish ICE”, relayé sur les réseaux sociaux, montre la colère d’une partie de la population américaine vis-à-vis des arrestations massives menées par l’ICE. Certes, ce slogan met en lumière une position politique historique, à savoir que les Etats-Unis sont le pays créé par une immigration venue des 5 continents et que c’est de là qu’il tire sa vitalité profonde. Mais ce slogan révèle aussi les failles structurelles du système d’immigration de l’ICE, de plus en plus injuste et arbitraire.

Les failles du système : Des déportations en mode aléatoire

  Si près de ⅘ des migrants illégaux sont renvoyés dans leur pays d’origine, une part non négligeable des immigrés se retrouvent à des milliers de kilomètres de leur pays dans lequel ils sont citoyens. Laissés sans argent et sans logement, la protection de la dignité humaine de certains des renvois laisse à désirer. Faute d’accords avec les Etats ou d’un manque de communication des services étatiques, ce sont plus de 10 100 immigrés qui ont été déportés dans des pays qui leur sont inconnus depuis le début de l’année.

Par exemple, près de 288 Vénézuéliens ont été envoyés dans la méga-prison du CECOT (Centre du Confinement Terroriste, pour les membres de gangs) au Salvador, depuis le 15 mars, tandis que plusieurs déportations d’immigrés illégaux au Sud-Soudan, pays en guerre, ou en Eswatini, dernière monarchie absolue d’Afrique, ont été autorisé par la Cour Suprême, fin juin, avec pour seule condition “l’assurance diplomatique” donnée par le pays tiers que les déportés “seront bien traités”. Autrement dit, il existe peu de critères crédibles dans les choix de déportations dans les pays tiers et aucun moyen n’est mis en place pour surveiller l’intégrité des migrants déportés. Un Nigérien a ainsi été déporté au Ghana, et de là renvoyé par l’administration locale dans son pays d’origine, qu’il avait fui à cause de son orientation sexuelle punie par la loi, rapporte le Courrier International. 

La roulette prend même des teintes moscovites quand Luis Leon, 82 ans, d’origine chilienne, ayant obtenu l’asile aux États-Unis il y a 38 ans après avoir survécu aux tortures infligées par le régime de Pinochet a été retrouvé par ses proches dans un hôpital du Guatemala, pays qu’il ne connaît absolument pas. Il y avait été envoyé malgré sa santé cardiovasculaire fragile, son ancienneté et son casier judiciaire vierge. Il avait été arrêté par l’ICE alors qu’il avait perdu son portefeuille et qu’il était en train de finaliser les démarches pour obtenir une nouvelle carte verte.

Ainsi, aujourd’hui, ce sont plus de 22 000 immigrants illégaux qui ont été déportés au Salvador, ainsi qu’un nombre équivalent au Vénézuela et au Nicaragua, contre près de 63 000 au Mexique depuis fin janvier

Pays de renvoi des immigrants illégaux

Etats de destination des renvois par l’ICE – Infographie, The Guardian

Failles du système : un système judiciaire soumis aux objectifs de déportation

Le système judiciaire des Cours de l’Immigration est aussi coupable de certains dysfonctionnements en lien avec les pressions politiques qu’elle subit. En effet, contrairement aux tribunaux pénaux américains, aucun système n’y prévoit la mise à disposition d’avocats commis d’office pour assurer la défense des accusés. Le juge fournit sur demande une liste de juges “pro bono” gratuits mais ces derniers ont le droit de refuser de défendre les incarcérés laissant les immigrés sans défense, alors qu’ils demandent parfois l’asile. Or, cette disposition est inconstitutionnelle puisque le 5e et 6e amendement de la Constitution Américaine détaille les droits des prévenus dont celui d’avoir un avocat, un jury, d’être informé et de pouvoir confronter les témoins (« …Dans toutes les poursuites criminelles, l’accusé aura droit à un procès public et rapide, par un jury impartial de l’État…« ).

En plus de cette faille inégalitaire, la républicanisation des Cours de l’Immigration est renforcée depuis le début du mandat Trump sous la pression des objectifs de déportation à atteindre et des agents de l’ICE présents dans chaque Cour de l’Immigration, devant la porte des tribunaux ; les immigrants dont le visa est refusé sont ainsi directement arrêtés à leur sortie du tribunal et déportés. En effet, si Trump a promis de déporter seulement “le pire du pire des migrants illégaux”, la grande majorité des personnes incarcérées par l’ICE n’ont aucun casier judiciaire aujourd’hui. D’après les données fournies par l’ICE et l’Université de Syracuse, près de 71,5% des personnes détenues dans des centres de l’ICE n’ont aucun casier judiciaire criminel. Parmi les déportés, seuls 7% ont été condamnés pour des actes “se rapportant à de la violence physique”. En effet, face aux objectifs de déportations déterminés, l’administration a élargi la base ciblée par l’ICE à tous les migrants illégaux, et non seulement les criminels, les juges se concentrant de même sur la possession de papiers en règles ou non, sans importance particulière donnée à la possession d’un casier judiciaire chargé ou non. Sous l’administration Obama qui a déporté près de 2,7 millions d’immigrants illégaux de 2009 à 2016, près de 55% des déportés étaient criminels à l’inverse, soit un ratio inverse par rapport à la politique de Trump aujourd’hui, ciblant les immigrés de façon beaucoup plus large, sans grandes enquêtes menées avant arrestation. Ainsi, ce chiffre n’a cessé d’augmenter : le nombre de personnes au casier judiciaire vierge incarcéré par l’ICE a augmenté de 807% (de 700 à 8000/mois) en 1 an. 

En outre, selon The Guardian, l’insistance de l’administration Trump à atteindre des objectifs affichés toujours plus hauts encourage l’ICE à arrêter des travailleurs utiles au pays et, nouvellement, des “collatéraux” pour gonfler les chiffres. Ces derniers sont des citoyens américains en cours de régularisation ou simplement sans papier sur eux, incarcérés car se trouvant sur les lieux d’un raid. L’administration Trump cherche aujourd’hui à pousser au maximum les prérogatives de l’ICE pour atteindre les chiffres fixés. Pour contourner cette contrainte, des documents officiels incitent les agents à “ruser” en se faisant passer pour la police locale grâce à des déguisements d’uniformes ressemblant à ceux de la police, un postier, ou une entreprise locale, pour faire sortir les gens de leur domicile, les arrêter dans le domaine public et ainsi atteindre leurs quotas. 

Casier judiciaire des immigrés

Infographie, The Guardian

Les failles du système : Des centres de détention en surcapacité

Face au nombre grandissant d’arrestations, les centres de détention de l’ICE pour les personnes en détention provisoire, en attente de jugement, ont très vite été surchargés. D’après les chiffres du gouvernement, on comptait dès juillet 13 500 personnes détenues en trop par rapport aux 60 000 personnes places prévues dans les centres de l’ICE. Si 10 000 places en détention ont été ajoutées en urgence pour pallier le manque de places grâce à la réouverture temporaires de 5 anciennes prisons, ces centres d’incarcération sont souvent vétustes et inadaptés à une population composée de familles, de citoyens normaux, et d’une faible part de délinquants et criminels. A plus long terme, un investissement dans les centres de détention de l’ICE a été prévu par l’administration Trump grâce au décret Omnibus signé en juillet qui accorde près de 45 milliards $ (+265% de budget) pour moderniser et développer le système de détention de l’ICE, avec un objectif de plus de 100 000 places construites dans de nouveaux centres de détention, dont 30 000 dans un nouveau centre à Guantanamo ou dans une nouvelle prison construite au milieu des Everglades en Floride. 

Mais les travaux prendront du temps, et, pendant ce temps, de nombreuses associations de droits humains alertent sur les conditions inhumaines de détention. L’ancienne prison de Leavenworth au Kansas rouverte en juin 2025, qui a abrité des prisonniers comme Al Capone, a ainsi été comparée par un juge fédéral comme “la porte de l’enfer”, rapporte le journal local après une visite officielle. Ces conditions sont même aggravées dans des centres de détention familiale comme celui d’Almendo au Texas qui ne disposent pas d’un accès à l’eau potable et ne fournit pas de nourriture pour bébés… L’association Raice rapporte qu’un bébé d’une famille a ainsi perdu 3kg depuis son arrivée en détention dans ce centre. Selon un autre rapport détaillant les conditions de détention des prisons de l’ICE en Floride, des détenus d’une prison pour immigrants à Miami auraient notamment été contraints de s’agenouiller pour manger dans des assiettes en polystyrène « comme des chiens ».

Pour tenter de combler ce manque de place sur le territoire national, le gouvernement peut aussi délocaliser la gestion de ses prisonniers à l’étranger, parfois dans des prisons beaucoup moins regardantes des droits humains. Un contrat financier de 6 millions de dollars avec le Salvador a ainsi été signé pour déporter dans la nouvelle méga-prison du pays “CECOT”, surnommé “goulag tropical”, entre autres, les immigrés illégaux arrêtés par ICE. Cette dernière a été construite pour enfermer les membres des gangs salvadoriens. Si le gouvernement a promis de n’y envoyer que les “criminels condamnés”, en réalité une enquête d’El Pais démontrait que près de 288 immigrés illégaux vénézuéliens avaient été déportés dans le CECOT par l’ICE dont beaucoup n’avaient pas de casier judiciaire. L’ICE avait estimé leur appartenance à des gangs comme la MS-13 “au jugé” sur la simple base de vêtements et de tatouages comme un “ballon de foot avec une couronne” pour un ancien footballeur . La figure de proue de ces déportations arbitraires, Abrego Garcia, arrêté et déporté au CECOT, à cause de son “hoodie représentant des billets de banque” et “sa casquette des Chicago Bulls”, a fait émerger de nombreuses contestations après un appel à la libération de sa femme d’origine étasunienne. ICE avait alors reconnu une “erreur administrative” et l’avait libéré. Parmi les 287 autres, il s’est avéré que 50 étaient des immigrés légaux, entrés dans le pays après une autorisation temporaire légale délivrée par les douaniers étasuniens à la frontière. Les voici, après une promesse de bienvenue, dénués de leur droit et envoyés dans une des prisons les plus violentes du monde, dans un pays qui ne garantit aucun jugement équitable une fois emprisonné.

Les déportations dans des centres de détention provisoires à l’étranger sont rendues possibles grâce à l’Alien Enemies Act, créée en 1798, qui facilite en période de conflit la déportation d’étrangers. Elle a notamment été utilisée dans les années 90 pour envoyer tous les suspects de terrorisme à Guantanamo.

L’ICE, d’une police de l’immigration à une milice politique ?

Aux vues de la liberté avec laquelle l’ICE agit, certains opposants politiques à l’administration en place craignent que Trump puisse détourner l’utilisation de l’ICE en l’utilisant comme police servant ses intérêts politiques. Elles craignent la mise en place d’une certaine censure via la suspension de visas de personnes issues de l’immigration défendant d’autres vues politiques que celle du gouvernement.

Trump a ainsi déjà menacé de déporter Elon Musk d’origine sud-africaine depuis la création de son nouveau parti d’opposition (“The American Party”) tout comme le candidat démocrate en vogue pour la mairie de New-York Zohran Mamdani, né en Ouganda et naturalisé américain. Dans la majorité des cas, ces déclarations sont des menaces sans effets réels (pour le moment). Mais certaines ont déjà été mises à exécution. Mahmoud Khalil, étudiant à l’université de Columbia et leader des manifestations pour la paix en Palestine a été détenu pendant 3 mois dans un centre de l’ICE. Après une courte période de remise en liberté, il doit être expulsé en cette fin de septembre vers l’Algérie ou la Syrie à la suite d’une faible “irrégularité dans la procédure” selon une juge de Louisiane. Né en Syrie, il possédait une carte verte de résident permanent, était récemment sorti diplômé de Columbia et était marié avec une femme originaire du Michigan avec qui il avait un enfant. Autant d’arguments de poids qui n’ont pas suffi face à la pression politique imposée par le gouvernement. Et ce n’est pas la seule victime de ce détournement du système migratoire à buts politiques. Rumeysa Ozturk, étudiante turque à l’université de Tufts dans le Massachussets, a été interpelée en mars dernier par des agents de l’ICE en pleine rue alors qu’elle possédait un visa étudiant valide soudainement révoqué quelques jours auparavant. Le seul motif de l’arrestation fut un article co-signé en 2024 dans le journal étudiant de l’université appelant à respecter les manifestations contre la guerre à Gaza sur le campus. Incarcérée 6 mois en Louisiane, elle a été relâchée après un recours mené par des ONG de défense de la liberté d’expression en l’absence de preuves pouvant amener à sa condamnation ou à la révocation de son visa. A l’inverse, se dire républicain et soutien de Trump n’empêche pas d’être déporté. En mai dernier, le leader des “Latinos avec Trump”, mouvement créé pour convaincre les latinos issus de l’immigration de voter pour Trump en 2022, avait ainsi été déporté lors d’un contrôle de routine.

Les cibles des arrestations varient même en fonction des actualités géopolitiques. Au moment de la guerre entre Iran et Israël, une vague importante d’Iraniens ont été ciblés, parmi eux de nombreux individus de la communauté chrétienne Farsi, qui ont fui la persécution dans leur pays d’origine, recherchant l’asile aux Etats-Unis. NBC Los Angeles rapporte ainsi le témoignage de Mr Torosian, un pasteur farsi de Los Angeles qui a vu tour à tour deux iraniens de sa communauté et une famille qui attendaient leur demande d’asile, se faire arrêter et emmenés en pleine rue par l’ICE.

L’ICE prend du galon mais la Résistance s’organise

L’ICE, la métamorphose vers une super-agence

Trump se devait de donner plus de moyens à une ICE en surchauffe et en manque de moyens pour atteindre les objectifs annoncés. Le Big Beautiful Bill voté ainsi par les Républicains le 28 juin dernier prévoit un budget de plus de 170 milliards pour l’ICE, soit un budget multiplié par 3 par rapport à 2024, malgré les moyens considérables dont elle dispose déjà (hélicoptères, système pénitentiaire spécialisé, 20 000 agents répartis dans 400 bureaux). Comme ordre d’idée, le montant correspond à près de 2/3 du budget de la Marine américaine. Ce faisant l’ICE tire à elle ¾ du budget de la sécurité intérieure (le FBI, services d’ordre rattaché au département de la Justice…). L’ICE est devenue ainsi la force fédérale de maintien de l’ordre la plus puissante depuis le début de la création des Etats-Unis. 

Une part de ce nouveau budget (10Md) sert à recruter plus de 10 000 nouveaux postes d’agents notamment grâce à des campagnes de communication aux slogans patriotiques (“Defend the Homeland, Join Ice today”) et à la mobilisation d’incitations financières alléchantes. Des bonus de 50k$ à la signature, un remboursement des prêts étudiants jusqu’à 60k$, et une prime de 25% de salaire pour la 1e année ont ainsi été promis pour chaque nouvelle signature dans l’ICE. Bien que l’incitatif financier soit important, de nombreux volontaires déclare postuler par “patriotisme”, décrit le Los Angeles Time lors d’un forum de recrutement à Arlington au Texas, où les candidats sont de “tous genres et tous âges”. Les médias sont aussi investis pour inciter au recrutement, et particulièrement les réseaux sociaux qui touchent une jeunesse en partie républicaine prête à s’engager. Des clips de recrutement, dans la droite lignée de la communication moqueuse de la Maison-Blanche, sont ainsi diffusés. Le dernier en date montrait ainsi des raids de l’ICE sous le fonds de la musique Pokemon “Attrapez les tous”, que l’entreprise japonaise s’est empressée de condamner. 1 mois après, la campagne est un succès : plus de 150 000 candidatures d’Américains ont été déposées.

Affiche HBOmax de recrutement pour l'ICE

Publicité diffusée sur HBOmax, 01/10/25

Une autre partie du nouveau budget servira à acheter du matériel plus performant et à rénover et construire les nouveaux centres de détention.

La Résistance à la politique migratoire : les villes sanctuaires

Révoltés par le caractère injuste de cette politique migratoire, beaucoup de gouverneurs et maires démocrates au pouvoir, comme Galvin Newsom en Californie ou Wes Moore dans le Maryland, s’efforcent de protéger les immigrés de leur territoire. Ces Etats ou villes-sanctuaires obéissent à une logique historique de protection des immigrés à travers leur législation depuis Reagan en 1970. Après un élan de solidarité, des milliers de villes démocrates avaient en effet accueilli de nombreux immigrants illégaux du Guatemala et du Honduras qui fuyaient la guerre civile pour les protéger d’un retour dans leur pays en guerre voulu par le gouvernement fédéral dirigé par la Républicain Ronald Reagan. Ces endroits défendent depuis une certaine confidentialité des données (ou “mesures sanctuaires”) notamment en ce qui concerne la confidentialité de la citoyenneté d’origine de ses habitants que la police locale est interdite de communiquer. En réponse à cette résistance régionale, Trump avait déjà menacé de supprimer les subventions fédérales des villes qui maintiendraient cette politique. Gavin Newsom, gouverneur démocrate de la Californie, Etat particulièrement visés par les raids de l’ICE, avait alors répondu que la Californie envoyait chaque année 2 fois plus d’impôts à l’Etat fédéral qu’il ne recevait de subventions de sa part, et qu’il serait ravi de mettre fin à cette réciprocité. 

En réponse à cette résistance des élus démocrates, Tom Homan, architecte des raids de l’ICE avait promis au 21 juillet “d’inonder” les villes-sanctuaires dirigées par des démocrates et qui refusent de coopérer des informations sur les migrants illégaux. Un document révélé le 11 juillet révélait ainsi que Philadelphie, Seattle, NYC et Chicago, la Virginie du Nord ainsi que 12 autres états étaient visés pour être investis par des renforts de l’ICE, de la Garde Nationale et par des commandos spécialisés dans les interventions en milieux violents. Ce jeudi 12 septembre, avec Memphis, puis le 27 septembre avec Portland, Trump annonçait que ces 2 villes-sanctuaires allaient être les prochaines à devoir subir la présence forcée de la force de réserve de la Garde Nationale et d’une ICE renforcée. Chicago et Baltimore devraient être d’après les déclarations du gouvernement les prochaines villes-sanctuaires sur la liste. Car si les objectifs affichés sont de lutter contre un taux de criminalité “incontrôlable”, alors qu’ils sont souvent en baisse ou en stagnation, la mission de la Garde Nationale est surtout de renforcer l’effectif de l’ICE dans ses raids locaux et de nettoyer les jardins publics. Le Posse Comitus Act, une vieille loi de 1878, autorise en effet le président des Etats-Unis, en accord avec le gouverneur d’un Etat, à mobiliser la Garde Nationale de l’Etat de ce dernier pour des missions de “maintien de l’ordre”. Des termes flous qui permettent à Donald Trump de déplacer la Garde Nationale d’Etats républicains dans des Etats ou villes démocrates qui ne veulent pas se soumettre à son contrôle.

Une Résistance populaire spontanée

Le premier signe de résistance pacifique fut cependant populaire, les cadors démocrates tardant longtemps à réagir. Le 6 juin, la tension avait éclaté quand, dans plusieurs localités de Los Angeles, ville métissée par excellence, plus de 300 personnes furent arrêtées en une seule journée par des agents de l’ICE. Les jours suivants, des manifestations spontanées ont été observées dans la plupart des villes USA, avec Los Angeles comme épicentre. Elles furent en très grande partie pacifiques et contenues dans un rayon contrôlé du centre-ville, bien que quelques voitures de police aient été brûlées et quelques cocktails molotov lancés, loin d’une révolte organisée.

La résistance d’une partie de la population à la politique migratoire menée par l’ICE fut tout de suite muselée par Donald Trump qui déploya 4,000 gardes nationaux 3 jours après, en plus de 700 marines pour “protéger les bâtiments et le personnel fédéral”, une première depuis 1992. Un décalage dans l’opposition de forces ne servant qu’à augmenter les tensions avec les sans papiers pour le gouverneur californien. D’ailleurs, selon un sondage YouGov, seulement 38% des américains approuvent la mobilisation de la Garde Nationale et des Marines dans ces manifestations de Los Angeles.

La Garde Nationale continue encore aujourd’hui d’être mobilisée par Trump comme force d’appui durable de l’ICE. Le chef régional de l’ICE a déclaré “Mieux vaut s’habituer à nous maintenant, parce que tout cela va très bientôt devenir la norme. Nous irons partout et à n’importe quel moment dans Los Angeles. » Autrement dit, les raids anti-immigrants dans les villes et les campagnes américaines vont encore s’intensifier.

Une résistance citoyenne organisée

Enfin, après les manifestations spontanées du mois de juin, des mouvements citoyens plus organisés se sont formés pour protéger les immigrés illégaux des raids de l’ICE. Ces mouvements organisent des collectes de nourriture pour les familles qui ont peur de sortir de chez elle par peur d’être arrêtée, organisent des ateliers “d’aide juridique” pour faire connaître leurs droits aux personnes sans nationalité étasunienne, distribuent des tracts en espagnol pour expliquer de ne pas ouvrir leur maison à l’ICE, font des rondes dans les quartiers pour repérer si des véhicules correspondants à ceux de l’ICE patrouillent dans la zone, et manifestent régulièrement comme dans les magasins Home Depot pour leur demander d’interdire leur enseigne aux raids de l’ICE. Des outils technologiques sont aussi apparus comme la plateforme de géolocalisation et de signalement d’agents ICE sur le modèle de Waze, “Iceblock” qui repère les patrouilles via les signalements des usagers. Elle eut une popularité immédiate en devenant 1er des téléchargements sur l’App Store début juillet. Enfin, un travail de diffusion des vidéos montrant les arrestations violentes effectuées par l’ICE est produit sur les réseaux sociaux. Le but est d’informer le plus d’Américains possibles sur la situation et ainsi de ramener l’opinion publique à leur cause. Cette contre-attaque informationnelle semble porter ses fruits puisqu’un récent sondage de Reuter Ipsos révèle que près de 50% des Américains pense que Trump est allé trop loin dans sa politique d’arrestation des immigrés illégaux. Ce n’est pas tant la politique générale de fermeture des frontières et de déportation des criminels étrangers qui est mise en cause plutôt que les méthodes agressives utilisées par l’ICE et ses procédés qui rejettent la constitution.

CONCLUSION : 

Le mur construit à la frontière mexicaine n’était qu’un avant-goût du durcissement de la politique migratoire sous Trump. Enfant de la paranoïa communiste et du terrorisme, l’ICE donne donc de pouvoirs gigantesques quand ceux qui sont à sa tête décident de l’utiliser à son plein potentiel. Car si le gouvernement américain actuel applique une politique d’immigration totalement légale (celle pour laquelle il a été élu et la même que celle du parti démocrate 10 ans auparavant), les méthodes d’arrestations sauvages ciblant des quartiers entiers, des lieux de production industriels, agricoles, des tribunaux et des lieux de culte, les déportations d’opposants politiques et les failles d’un système judiciaire de plus en plus arbitraire ont fait émerger de nombreuses critiques du parti Démocrates, d’ONG et de mouvements de résistance citoyens. Une idéologie plus primaire s’est diffusée entre les agents de l’ICE qui, devant le faible nombre de garde-fous, assume un sentiment d’impunité inédit.

Cette méfiance de l’ICE se répand aux Etats-Unis et rallume les peurs des défenseurs de la démocratie. “Qu’adviendra-t-il lorsqu’il n’y aura plus de personnes brunes et noires à déporter, il restera à Ice – peut-être sous un autre nom – l’autorité et la capacité de surveiller, de saisir et de faire disparaître toute personne que l’administration considère comme indésirable », écrivait ainsi Judith Levine, une essayiste américaine défenseuse des droits humains.