Le collège unique, tel qu’il existe aujourd’hui, reste largement centré sur les savoirs théoriques et les compétences académiques. S’il a permis une certaine démocratisation de l’accès aux connaissances, il peine en revanche à répondre à la diversité des profils d’élèves. Ceux dont les talents s’expriment davantage par le concret, par le geste ou par la pratique manuelle, y trouvent rarement leur place. 

Par ailleurs, à l’heure où la France engage un mouvement de réindustrialisation, les besoins en main-d’œuvre qualifiée dans les métiers manuels et techniques ne cessent de croître. Or, dans un contexte de massification de l’enseignement supérieur général, les vocations dans les secteurs professionnels peinent à émerger. Il devient urgent de mieux valoriser les compétences professionnelles dès les premières années du parcours scolaire.

Comment faire évoluer le collège pour mieux inclure, mieux orienter et mieux former les élèves aux savoir-faire manuels ? L’objectif n’est pas de spécialiser trop tôt ni de réintroduire une orientation précoce, mais bien d’élargir le tronc commun à des disciplines qui révèlent d’autres formes d’intelligence. Il s’agit de permettre à chaque élève de se découvrir dans la diversité des savoirs, et de rendre ses années collège plus concrètes, plus motivantes et plus utiles. 

Intégrer des enseignements à composante professionnelle dans le tronc commun — ateliers de menuiserie, d’électricité, de mécanique, de couture ou de cuisine — permettrait d’atteindre plusieurs objectifs. 

1. D’abord, ces enseignements contribueraient à redonner confiance à des élèves souvent en difficulté dans les matières générales. Beaucoup possèdent une intelligence du concret qui mérite d’être reconnue et valorisée. En leur offrant un cadre scolaire où leur savoir-faire est pris au sérieux, on lutte efficacement contre le décrochage scolaire. 

2. Ensuite, ces disciplines manuelles participent pleinement à la culture générale. Savoir entretenir un objet du quotidien, comprendre un circuit électrique de base ou réparer un meuble sont des compétences utiles dans la vie quotidienne, et qui renforcent l’autonomie des futurs citoyens. Il est regrettable que certains élèves brillants dans les matières classiques sortent du système scolaire sans savoir changer une ampoule ou utiliser un outil simple. 

3. En exposant tous les élèves à ces disciplines, on favorise également une meilleure image de la voie professionnelle. Aujourd’hui, cette dernière souffre encore d’une représentation dévalorisante, trop souvent perçue comme un choix par défaut. Si les savoir-faire manuels faisaient partie du parcours commun, ils cesseraient d’être l’apanage du “mauvais élève”, et pourraient au contraire susciter des vocations chez des profils très variés. 

4. Enfin, ces enseignements pourraient aussi intégrer une sensibilisation aux enjeux de durabilité : réparer plutôt que jeter, entretenir plutôt que remplacer. Une telle éducation à la sobriété matérielle est cohérente avec les défis environnementaux de notre époque. 

Faire une place aux savoir-faire manuels dans le collège unique, c’est répondre à plusieurs enjeux à la fois : mieux inclure les élèves aux profils pratiques, lutter contre le décrochage, éveiller de nouvelles vocations dans un contexte de réindustrialisation, et transmettre des compétences utiles à la vie adulte. En diversifiant les formes de réussite scolaire, on rend l’école plus juste, plus efficace, et plus adaptée aux réalités de notre société.